Peines de coeur d’une chatte française

Textes  de René de Ceccatty et Alfredo Arias
d’après P.J. Stahl
Mise en scène A. Arias et Marilu Marini

LE RECIT D’UNE AVENTURE

Lorsque René de Ceccatty et moi, avons décidé d’écrire une comédie musicale avec masques, à partir d’un conte de PJ Stahl, Les Peines de cœur d’une chatte française, nous savions que nous nous lancions dans une grande aventure. Le succès des Peines de cœur d’une chatte anglaise, que j’avais écrit avec Geneviève Serreau et créé en 1977, avait déjà conduit le groupe TSE dans le monde entier, pendant plusieurs années.

Renouveler ou prolonger ce rêve, vingt ans plus tard, allait réclamer beaucoup d’énergie et d’invention. Le spectacle d’il y a vingt ans, était inspiré d’un conte de Balzac, illustré par un fantastique dessinateur, Grandville. Nous avions recréé visuellement et dramatiquement l’univers de fantaisie, d’humour et de passion du grand écrivain et de son illustrateur. Il y avait, dans le même album de Grandville, un autre conte, écrit par l’éditeur lui-même, Hetzel, qui sous le nom de PJ Sahl était connu comme auteur de romans pour enfants. Cette histoire, poétique et farfelue, reprenait le même héros (le chat Brisquet) et racontait sa « véritable » histoire, avant que Balzac ne s’en empare. Avec une imagination débridée, Stahl racontait comment Balzac avait écrit son conte pour sauver la vie de Brisquet et lui faire échapper à la police.

Brisquet, en effet, poète de l’Ambassade d’Angleterre, tombe tout d’abord amoureux de Minette, pauvre chatte partie seule à la découverte du monde et devenue la coqueluche des salons, avant qu’il ne l’abandonne pour la fascinante chatte chinoise Chin-Fu. Pour conquérir Chin-Fu, Brisquet assassine son maître, le directeur du théâtre chinois. Les désillusions de Minette, son ressort dans le drame, les infidélités de Brisquet, la futilité du monde des salons, les mystères du théâtre : autant de thèmes susceptibles de nous faire rêver.

Pour réaliser ce rêve, il nous fallait un artiste qui créé la magie des masques des animaux : nous l’avons trouvé en la personne d’Erhard Stiefel, spécialiste mondial du masque nô. Il nous fallait des costumes : Chloe Obolensky nous a permis d’habiller merveilleusement ces créatures fantastiques. Un décorateur capable de suggérer un lieu élégant et irréel : Roberto Plate. Il nous fallait des comédiens-chanteurs internationaux qui auraient la grâce suffisante pour incarner des animaux masqués et qui seraient à l’aise en français et en italiens. Il fallait qu’ils acceptent de relever ce défi et s’impliquent très personnellement dans la création de leurs personnages que nous avons écrits pour eux. Nous les avons sélectionnés au cours de castings très attentifs, en France et en Italie.

René de Ceccatty a écrit avec moi le texte de la pièce et des chansons, travaillant en étroite collaboration avec le compositeur, spécialement pour les créateurs des rôles, au cours de longues séances à Paris et à Rome. Marilù Marini, qui avait été la Beauty des premières Peines de cœur, m’a aidé, grâce à son expérience de comédienne, à diriger les chanteurs dans leurs évolutions, leurs gestes charmeurs ou provocants, leurs déplacements, leurs expressions que voilaient les masques.

Le spectacle commença à Nantes, en octobre 1999 une carrière déjà longue en péripéties et en émerveillements, qui nous a conduits à Palerme, à Rome, à Bobigny (au Festival d’Automne), à Reims, à Turin, à Marseille, à Gênes : dans de nombreuses villes à travers la France et l’Italie, les comédiens passant d’une langue à l’autre, au gré de nos voyages. Parallèlement, à Barcelone, une deuxième troupe a proposé au Teatre Nacional de Catalunya la version catalane de la pièce, dans notre même mise en scène avec un orchestre en direct.

Une critique unanime et élogieuse, un public déjà très nombreux et très divers nous ont donc suivis dans notre pari de créer une rêverie musicale et masquée à partir de ce conte doux-amer illustré par un peintre pour qui les animaux peuvent être les messagers de la passion, de l’humour et du charme volatil des hommes. Un conte fait pour les grands et les petits.

Les Molière nous ont récompensés comme Meilleur Spectacle Musical et Meilleurs costumes. Et nous voici devant un public encore élargi, à travers toute la France et l’Italie. Venise même, présente dans une courte scène du spectacle, nous fait la faveur de nous inviter au prestigieux Teatro Goldoni. De nombreux théâtres nous accueillent cette saison : Thionville, Saint-Médard en Jalles, Chateauroux, Orléans, Compiègne, Noisy le Grand, Montpellier, Saint-Brieuc, Mulhouse, Ferrara et Rome en Italie. Dans certains d’entre eux, comme au Théâtre de Caen et au Théâtre des Célestins à Lyon, nous avons la joie de bénéficier d’un orchestre vivant qui accompagne les chanteurs en direct et de faire partie de la saison lyrique.

La saison prochaine nous permettra de présenter les Peines de cœur à l’Opéra Comique avec, dans la fosse, les musiciens de l’orchestre.

Alfredo Arias
Texte de présentation « Peines de cœur d’une chatte française » saison 2000/2001